2. ACTUALITÉ DES RECHERCHES CÉRAMIQUES
– Raphaël MACARIO, Max LUACES : Nouvelles données sur les amphores de Narbonne : la fouille préventive du 46 avenue Kennedy
Une fouille préventive de grande envergure a été effectuée en 2022, par l’opérateur Hadès, au numéro 46 de l’Avenue Kennedy à Narbonne. Cette opération a permis de mettre au jour plusieurs édifices datés du Haut-Empire. Afin de répondre aux contraintes du terrain (remontées de la nappe phréatique), les Anciens avaient engagé d’importants travaux destinés à l’aménagement de cet espace. Plusieurs remblais de nivellement et d’installation ont ainsi été mis au jour. Ces derniers ont offert de nombreux lots d’amphores – plus de 3000 fragments – répartis dans des ensembles hétérogènes d’un point de vue chronologique. Bien que ces amphores soient en majorité résiduelles, elles représentent un témoignage supplémentaire quant à la diversité des arrivages amphoriques à Narbo Martius, entre les années 50 et 300 de notre ère. Cette communication vise à présenter les données préliminaires obtenues lors de l’étude de ces ensembles d’amphores. Il s’agira tout d’abord de présenter les différents faciès
d’importations que l’on a pu établir au travers de l’examen typologique. Par ailleurs, l’étude a tenté de prendre en compte les problématiques des provenances via un examen au microscope digital. Bien que les résultats obtenus n’aient pas la valeur d’une analyse archéométrique, une telle étude a permis de caractériser différents mobiliers parfois difficiles à documenter (simili Dressel 2-4 égéennes et potentiellement siciliennes). Cette communication va donc également s’attacher à présenter ces productions et leurs pâtes, et à interroger la portée de leur diffusion en Gaule méridionale.
– Francesca GALANTI : Le môle nord-sud de Portus (Fiumicino, Italie) : un contexte de « recyclage » de la sigillée sud-gauloise
Depuis 2009, le site du port de Claude (Fiumicino, RM) fait l’objet de recherches de la part de l’École française de Rome, dont l’activité s’est concentrée sur l’étude archéologique et architecturale du vaste complexe des entrepôts dits de Trajan. Depuis 2017, l’étude porte sur le môle N-S du port de Claude dans le cadre d’un projet intitulé « Ostie-Portus, hub de l’empire romain » ; elle s’est achevée en septembre 2022.
Dans le cadre de l’avant-dernière campagne de fouilles (2021), le caisson de fondation claudien reliant la structure du môle à celle des entrepôts a été mis au jour. Les couches de remplissage du caisson, qui ont dû élever le niveau du sol, ont livré, parmi les classes de matériel identifiées, de nombreux fragments de céramique sigillée sud-gauloise et sa variante marbrée, de la céramique à paroi mince de type « coquille d’oeuf », et d’autres productions de valeur. Ces fragments peuvent être rattachées à quelques individus qu’il est possible de reconstituer presque entièrement, mais ne semblent pas cohérents avec le contexte de leur découverte. Il s’agit en effet de catégories de matériaux dont on pense généralement qu’ils ne sont pas l’objet de remplois dans le cadre de chantiers de construction et dont le lieu de provenance est débattu, car il n’existe aucun complexe à proximité du site qui justifierait l’utilisation d’une production aussi précieuse.
Sur la base des considérations précédentes, ce dépôt offre la possibilité d’aborder une série de questions scientifiques concernant le thème du « recyclage », en commençant par une réflexion sur l’existence d’un processus de vente de matériaux céramiques mis au rebut pour des travaux de construction à grande échelle, selon un schéma structuré et conscient: peut-on imaginer l’existence d’un véritable collegium chargé de cette tâche? Existe-t-il des lieux de collecte de céramiques désaffectées? Quels sont les facteurs qui ont influencé la décision de recycler le matériau ? Y avait-il une conscience économique derrière ce processus?
– Clément HERVÉ : La céramique des terres noires de la fouille de la rue du Midi 35 à Yverdon-les-Bains (canton de Vaud, Suisse) : un ensemble abondant de la seconde moitié du IVe s. (et de la première moitié du Ve s. ?)
La fouille de la rue du Midi 35 à Yverdon-les-Bains a concerné une parcelle située en bordure d’un ancien bras de la rivière Thièle, sur la rive faisant face au castrum, centre urbain de l’agglomération tardo-antique d’Eburodunum. Sur une surface d’un peu plus de 150 m2, une couche de terres noires a livré un ensemble de mobilier très abondant, datable de la seconde moitié du 4e s., et peut-être d’une partie du 5e siècle. Environ 325 vases au minimum (NMI) composent le corpus de céramique, qui contient peu d’éléments résiduels, fait plutôt rare pour un contexte urbain.?
Cette communication vise à présenter les principales caractéristiques du faciès, marqué par la présence d’importations provenant de plusieurs régions limitrophes ou plus éloignées. La position d’Yverdon, entre les bassins rhénans et rhodaniens, a en effet favorisé la variété des productions rencontrées, allant de l’Argonne et le sud de l’Allemagne au sud et à l’est de la Méditerranée pour quelques amphores, en passant par la vallée du Rhône ou les Alpes.
La question chronologique mérite également d’être soulevée, à l’aide des autres mobiliers, notamment numismatique. Malgré des publications de plus en plus nombreuses pour l’Antiquité tardive ces dernières années en Suisse, en Rhône-Alpes ou en Franche-Comté, caractériser les assemblages de céramique du 5e siècle reste encore difficile dans la région.
– Nerea RUANOVA ÁLVAREZ, Adolfo FERNÁNDEZ FERNÁNDEZ : La consommation et la distribution de la céramique à Asturica Augusta (nord-ouest de l’Hispanie) pendant le Haut-Empire à travers l’analyse des marques de potiers sur terra sigillata
Artúrica Augusta es una de las 3 ciudades del Noroeste de Hispania fundadas por Augusto. Durante los últimos 30 años se han realizado excavaciones en la ciudad de Astorga que son importantes para el conocimiento de la ciudad romana. A pesar de ello, no se han llevado a cabo trabajos de investigación sobre el consumo y producción cerámico en la ciudad. Esto situá a nuestra comunicación como una gran novedad en la investigación. Aún así, en los últimos años se habla del importante papel que jugó Asturica Augusta como enclave viario, siendo centro de recepción y redistribución de cerámicas a través de las vías que la unen con Bracara Augusta o Lucus Augusti. Nuestro objetivo es presentar el consumo cerámico de la ciudad durante época altoimperial mediante el estudio de los sellos que se encuentran en terra sigillata itálica, sudgálica e hispánica para compararla con otros importantes centros de recepción del noroeste de la Península Ibérica. La importancia de Astorga como capital conventual de la Hispania romana requiere un análisis profundo de estos productos cerámicos importados. Se han analizado más de 1000 vasos de terra sigillata de los cuales se han identificado unas 300 marcas de alfarero que nos ayudarán a comparar la ciudad con otras importantes capitales conventuales.
– Guillaume MAZA, Tony SILVINO : Nouvelles données sur les faciès céramiques des IIe-Ier s. av. n.è. de l’agglomération de Revel-Tourdan (Isère)
La dernière fouille d’archéologie préventive réalisée dans le centre ancien de Revel-Tourdan s’est avérée particulièrement riche concernant les occupations et la culture matérielle rattachées à la période de la Protohistoire récente. L’agglomération des Allobroges de Tourdan/Turedonnum est située en moyenne vallée du Rhône, à cheval sur les départements de la Drome et de l’Isère. Elle occupe au sud-est de Vienne une position de carrefour au contact du couloir rhodanien et de la voie desservant les vallées alpines qui reliait Vienne à Grenoble. Les fouille anciennes des années 1970 et celles plus récentes des années 2000 ont révélé l’existence d’un habitat groupé s’étendant sur une dizaine d’hectares, dont l’organisation nous échappe en grande partie, daté entre la fin du IIe et le Ier siècles avant notre ère. Les investigations conduites par tranchées dans le secteur de l’église et du prieuré n’ont pas permis d’avancer sur la question de l’interprétation ou de la fonction des multiples creusements et aménagements, mais elles ont livré un riche mobilier céramique totalisant 4351 tessons de céramique et 399 vases (NMI). La définition des faciès de céramique alliée aux données stratigraphiques a permis d’identifier cinq horizons chronologiques. Trois se rapportent à la période de La Tène finale (La Tène D1a, La Tène D2a, La Tène D2b) comprise entre les années 125 et 30 avant notre ère. Les deux derniers horizons renvoient au dernier tiers du Ier siècle avant notre ère, avec des ensembles datés de la période augustéenne « ancienne » (30-15 avant notre ère) et « classique » (changement d’ère). Les faciès mis en évidence se rapportent à un contexte de consommation classique dominé par les vases dévolus à la cuisson des aliments et à la vaisselle de table ou de service. Les importations sont bien représentées mais se limitent le plus souvent à des amphores à vin de la côte tyrrhénienne de l’Italie. Il faut enfin insister sur le grand intérêt des ensembles céramiques datés de La Tène D2b et de la période augustéenne, qui viennent pour le site de Revel combler une lacune persistante pour la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère.
– François RÉCHIN, Giuseppe INDINO : La vaisselle céramique de Saint-Bertrand-de-Comminges (Haute-Garonne), chantier du macellum, durant le Haut-Empire
Le chantier du macellum de Saint-Bertrand-de-Comminges (Haute-Garonne, fouille programmée 1985-1989), dirigé par G. Fabre (UPPA) et P. Paillet (IRAA-CNRS), a livré des quantités notables de mobilier céramique. Plusieurs niveaux archéologiques bien identifiés, datables entre les années 40/30 a.C. et la fin du IIe s. p.C., peuvent servir de cadre assez sûr pour cerner la consommation en vaisselle céramique de cette agglomération durant cette période.
Ainsi, le faciès typiquement aquitain de ces 5 ensembles céramiques, comme l’ouverture notable et continue aux échanges que leur étude révèle, contribuent à mieux définir l’identité de ce site.
– Lauriane MIELLÉ, Victor VIQUESNEL-SCHLOSSER, Samuel GUÉRIN, François HAAZ : Deux siècles d’évolution de l’approvisionnement céramique à la périphérie nord de Caesaromagus (Beauvais, Oise) : nouvelles données issues des fouilles du Palais des Sports et de la Zac Novaparc
Depuis 1993, les opérations menées par le Service Archéologique Municipal de Beauvais, et plus récemment par l’Inrap, à la périphérie nord de Beauvais (Caesaromagus) révèlent un espace rural occupé de façon continue dès l’époque gauloise et jusqu’à la fin du Haut-Empire.
La mise en commun des résultats d’études récentes (réalisées en 2020 et 2021) permet de dresser une première synthèse de l’approvisionnement de ce secteur. Celle-ci s’appuie sur l’analyse de trois établissements ruraux successifs : deux fermes de la Zac « Novaparc » (1829 et 1641 tessons) et la villa du « Palais des Sports » (2328 tessons). Ensemble, ils constituent trois jalons typo-chronologiques permettant d’ébaucher les grandes évolutions de l’approvisionnement céramique entre le principat d’Auguste et les Antonins.
Malgré l’importance qu’occupe le chef-lieu des bellovaques à la période antique, le secteur de Beauvais est longtemps resté en marge des publications archéologiques. Les fouilles actuelles sont l’occasion de redynamiser cette recherche qui participera à replacer ce territoire dans son contexte économique et culturel.
– Guillaume FLORENT, Florian BARET : La céramique de l’habitat groupé de Bridiers « Quartier Est » (La Souterraine, Creuse) de la première moitié du IIe s. à la fin du IIIe s.
Quatre horizons chronologiques, datés entre le début du IIe s. ap. J.-C. et la fin du IIIe s. ap. J.-C. ont été définis sur la base de l’analyse céramologique combinée à l’analyse stratigraphique. Au cours de la communication, au-delà d’une caractérisation succincte du mobilier, je me concentrerai sur l’exposition de la méthodologie employée pour construire les hypothèses chronologiques et remédier notamment, au problème posé par le phénomène de redéposition.
En effet, ce phénomène est de plus en plus prégnant à mesure que les niveaux archéologiques se succèdent, pour attendre son maximum au moment de l’abandon du site.
Un autre aspect de l’exposé visera à circonscrire géographiquement la culture matérielle décrite. Il apparaît en effet qu’elle diffère en bien des points de celle de Limoges, le chef-lieu de la cité des Lémovices, et rencontre plus aisément des analogies au sein des ensembles céramiques du bassin de la Loire.
J’espère que la perspective de cette communication vous agrée et contribuera à combler le manque cruel de documentation céramologique se rapportant au Limousin dans son ensemble et à la Creuse en particulier.